L’ineffable
J’ignorais qui elle était : Personne, mythe, état ? C’était comme rien Et pourtant combien bon ! Évocation de ces réalités vécues aux jours de mon enfance, Quand je courais sans but dans l’herbe folle. Au cours de mes itinéraires enchevêtrés Jaillissait soudain la source inespérée, Seule puissance capable d’imposer silence à mes jambes, Limpidité joyeuse, richesse innocente. Sans connaître la soif, j’y portais les lèvres : Il fallait boire, c’était si pur et si beau ! J’ignorais, à cette heure de ma vie, Que l’absolu déjà hantait mon cœur. L’eau dansante et sans blessure Se faisait la voix de cette transparence Qui déchirait déjà quelque chose en moi Et qui, tout au long de ma vie, En faisant le tourment de mon être, M’ouvrirait au mystère de la joie sans retour. L’ineffable prenait corps en moi ! Jamais la lumière n’avait subi d’incarnation, Et la chair pouvait être qu’obstacle au rayonnement. Mais que la pâte devienne lumière, Capable d’irradiation au plein midi, Et qu’au royaume du péché elle transparaisse, inaltérable … Il est de ces choses que notre main de ne peut tenir, Et qu’on peut regarder sans salir, Richesses insouciantes de prudence Et qu’une inviolable pudeur empêche d’apprivoiser. Mais le jours où je consens à la liberté, Me voilà saisi de sa beauté. Renonçant à l’asservir, je me retrouve par elle transfiguré. Homme accompli, retournée à son cœur d’enfant, Je puis reprendre ma course dans le jardin de Dieu ! Désormais, au secret de mon être Baigne un sourire à peine ébauché : Il a trop à dire pour être écouté ! Ma joie ne se contient plus ! J’ai vu ton image : elle a guéri mon regard. Esclave désormais, incurable blessé, Je refuse de guérir et je vends ma liberté. Mon tourment devient l’histoire de ma vie ! Je manque d’espace où loger mon bonheur ! Je répugne à me nommer, puisque « vierge » est ton nom.
Solitude Graciée, Yves Girard, à l’écoute de ton mystère.
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